VÉTÉRINAIRE (MÉDECINE)

VÉTÉRINAIRE (MÉDECINE)
VÉTÉRINAIRE (MÉDECINE)

Apparu dans la langue française au XVIe siècle (1563), le terme «vétérinaire» est issu du latin veterinarius , de veterinum («bête de somme»), contracté (Littré, 1878) de veheterinus («propre à porter les fardeaux»). Il qualifie ce qui a rapport aux soins des animaux. Auparavant, on appelait hippiatre l’homme de l’art s’occupant du bétail; d’origine grecque, ce vocable s’était substitué au mulomedicus latin.

À la croisée des chemins de la médecine humaine et de l’agriculture, la médecine vétérinaire se situe dans le cadre élargi des relations de l’homme et de l’animal. Face à un environnement de plus en plus oppressant et au-delà des besoins nutritionnels qui conduisent l’homme à dépendre du fonds protidique d’origine animale, les liens qui unissent l’homme et l’animal sont plus que jamais multiples et étroits. L’utilisation d’espèces et de lignées sélectionnées dans la recherche médicale, la préservation des rouages des équilibres naturels sont autant de cas dans lesquels le vétérinaire est appelé à jouer un rôle spécifique.

Les origines

L’homme, passant, à l’âge de la pierre polie, de l’état de chasseur à celui de cultivateur et éleveur, il est probable que c’est à cette époque que naquit l’art vétérinaire, en même temps que se développait la domestication; il est alors difficile de faire le partage entre thérapeutique et pratiques rituelles. Le caractère sacré, voire sacerdotal, de la médecine humaine se retrouve en médecine animale dès l’Antiquité.

Le code d’Hammourabi, trouvé à Suse, définit, dès 2200 avant J.-C., les honoraires d’un «docteur» de bœufs et d’ânes. Exhumé en Égypte, lors de fouilles dans la région du Fayoum, le papyrus de Kahun est le premier document connu qui traite des maladies du bétail. F. L. Griffith, qui le découvrit, le situe en 1900 avant J.-C. Il présente un caractère religieux, en rapport, semble-t-il, avec la pratique vétérinaire dans l’Égypte ancienne, sans que puisse être prouvée l’existence de vétérinaire. Mais, de tout temps les sacrifices et l’examen des viscères d’animaux furent contrôlés et surveillés par les prêtres. La loi de Moïse contient de strictes précisions, relatives à l’abattage rituel et au contrôle des viandes.

En Inde, dès la période brahmanique, les animaux sont protégés par la loi religieuse. Il existe, dans l’armée, des médecins spécialisés pour soigner chevaux et éléphants; plus tard, la religion bouddhique renforce cette protection de l’animal jusqu’à offrir des asiles aux sujets malades ou hors d’âge. En fait, médecine humaine et médecine animale resteront longtemps intriquées.

Aristote décrit les symptômes de l’entérotoxémie du mouton, en reliant la maladie aux facteurs nutritionnels, la suralimentation en particulier; il pratique des autopsies et se révèle un novateur en matière de physiologie animale. Avant lui, Démocrite, à côté de ses théories philosophiques et de sa conception de la structure de la matière, étudie l’anatomie et la pathologie, procédant à des dissections. Varron et Pline signalent que bouviers et palefreniers disposaient d’ouvrages traitant des maladies des animaux. L’Hippiatrika , établi sur l’ordre de Constantin VII au Xe siècle après J.-C., couvre la littérature vétérinaire de l’empire d’Orient et contient une documentation importante sur ce sujet.

Après la décadence de l’Empire romain, et jusqu’au XIIIe siècle, il existe peu de documentation sur l’art vétérinaire. Au Moyen Âge, les Arabes transmirent les connaissances de l’Antiquité en les enrichissant des connaissances collectées auprès des Indiens et des Persans.

Au XVIIe siècle, Solleysel (1617-1680) donne un renouveau à la pratique de la médecine animale. Il publie en 1664 Le Parfait Mareschal , se heurtant à l’incompréhension des maréchaux-ferrants, hommes frustes, de pratique limitée et de connaissances réduites; c’est lui qui devait donner à l’art vétérinaire un nouvel essor, préparant la voie de la création d’un véritable enseignement vétérinaire.

L’enseignement vétérinaire

Au XVIIIe siècle, écuyers et mareschaux se partagent le privilège de la pratique et de la connaissance du cheval, l’animal économique de l’époque pour la traction, la poste et la guerre. Par ailleurs, le cheptel bovin et les bêtes à laine sont périodiquement décimés par d’effroyables épizooties qui ravagent le bétail.

C’est à un avocat, animé de la passion du cheval, proclamé le premier «écuyer» de l’Europe, encyclopédiste, collaborateur de d’Alembert, ami de Malesherbes, de Voltaire, de Diderot, de Turgot, que l’on doit la création à Lyon du premier établissement vétérinaire: Claude Bourgelat (1702-1779), fils d’un échevin de la cité, occupait, dès 1740, la place d’écuyer tenant l’Académie d’équitation de Lyon. Celle-ci avait été fondée en 1645, «pour apprendre aux jeunes gens à monter à cheval et les autres exercices qui en dépendent, au moyen de quoi ils se rendaient capables d’entrer dans le service militaire et d’être toujours utiles à l’État». Mais Bourgelat voulut «étendre le champ d’activité de l’Académie d’équitation en la dotant d’installations propres à l’étude des sciences, pour y attirer des gens instruits, de préférence chirurgiens ou médecins, et donner ainsi une formation scientifique complète à tous ceux qui se destinent à la médecine des animaux».

Grâce à la protection de Bertin, contrôleur général des Finances et ancien intendant de la généralité du Lyonnais, le projet de création de l’École vétérinaire de Lyon fut accepté par Louis XV; le 4 août 1761, un arrêt du Conseil d’État du Roi institua l’École vétérinaire de Lyon, et, le 10 janvier 1762, s’ouvrit la première école vétérinaire au monde, qui devait se voir qualifier de «berceau de l’enseignement vétérinaire».

Cette école connut un grand succès: les élèves vinrent de toutes les provinces de France et de l’étranger et Louis XV, en 1764, lui conféra le titre d’École royale vétérinaire.

En 1766, un établissement du même type était créé par Bourgelat à Maisons-Alfort, à côté de Paris. Puis, successivement, essaimèrent à partir de ces deux établissements les écoles de Vienne, Turin, Copenhague, Padoue, Hanovre, Leipzig, Bologne, Naples, Berlin, Munich, Milan, Londres, Madrid, pour ne parler que des établissements d’enseignement vétérinaire créés avant 1800, et qui fonctionnent encore.

En France, les quatre écoles nationales vétérinaires: Lyon, Maisons-Alfort, Nantes et Toulouse, sont des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Ils dispensent un enseignement approfondi relatif à la production et à la conservation des animaux, à leur utilisation et à celle de leurs produits, ainsi qu’aux interrelations des animaux, de l’homme et de leur environnement.

De par le monde, il existait, en 1991, 400 établissements d’enseignement vétérinaire, dont 45 en ex-U.R.S.S., 27 aux États-Unis, 25 en Inde, 15 au Japon.

Médecine et sciences vétérinaires

La médecine vétérinaire a souvent suivi un chemin parallèle à celui de la médecine humaine, lui empruntant sa méthodologie et ses techniques, mais elle a su conserver, partagée qu’elle est entre les aspects médicaux et zootechniques, un génie propre. Ses apports aux domaines scientifiques humain et comparé sont à ce jour considérables.

L’anatomie a été la base de l’enseignement vétérinaire, dès sa création, avec Bourgelat et Fragonard. Comparative, pour répondre aux besoins professionnels, elle débouche sur une recherche appliquée et reste la base de la sémiologie, de la tératologie, de l’embryologie. La physiologie vétérinaire qui en est issue s’affirme au XIXe siècle et apporte une contribution capitale à la connaissance du fonctionnement de l’organisme animal avec A. Chauveau (1827-1917). Émule de Claude Bernard, il crée la cardiographie intracardiaque et, avec ses élèves E. J. Marey, A. Arloing et Kaufmann, explore la circulation sanguine et lymphatique. La contraction musculaire, les principes de la pharmacodynamique sont étudiés; les bases de la chirurgie expérimentale sont établies.

La médecine vétérinaire pratique les méthodes d’analyse et de diagnostic utilisées chez l’homme; médecine et chirurgie des petits animaux apportent dans ce domaine une aide indéniable. La pharmacopée vétérinaire est issue de la thérapeutique humaine, mais celle-ci bénéficie de l’aide apportée par l’animal dans l’étude pharmacodynamique des médicaments de l’homme, pour laquelle il sert de modèle.

En microbiologie et en virologie, l’apport de la recherche vétérinaire est prépondérant. P. V. Galtier démontre que la rage est inoculable au lapin et, dès 1881, entrevoit l’immunisation antirabique. Face à la méfiance de la médecine officielle, Pasteur peut compter sur l’aide enthousiaste de vétérinaires comme H. Bouley. Une lignée de vétérinaires pasteuriens va naître avec E. L. E. Nocard, E. Roux (sérothérapie antidiphtérique et antitétanique), E. Leclainche, G. Ramon (anatoxine et substances adjuvantes de l’immunité).

Les fléaux qui faisaient payer à l’élevage un lourd tribut sont vaincus: fièvre aphteuse, tuberculose, charbon, etc. La lutte contre les maladies transmissibles à l’homme et à l’animal est menée sans frontière entre les deux médecines: rage, tuberculose, charbon, brucellose, leptospirose, encéphalomyélite, psittacose, parasitoses, etc. L’Office international des épizooties qui coordonne ces actions à l’échelon mondial a son siège à Paris.

Médecin, le vétérinaire est aussi technicien des productions animales. La place de la zootechnie dans la médecine vétérinaire se trouve implicitement définie sous la plume de Bourgelat, lorsqu’il écrivait en 1767: «L’animal sain et l’animal malade nous intéressent également. Notre but doit être, d’une part, de maintenir les parties de la machine dans leur intégrité et, d’autre part, d’en réparer les désordres et les altérations.» D’abord économie rustique, dès 1782, avec L. Daubenton, puis économie rurale et cours de choix des animaux avec F. H. Gilbert, en 1783, l’économie du bétail ou science de l’élevage fut sans discontinuité dispensée dans des établissements dénommés, sous la Révolution, écoles d’économie rurale vétérinaire.

Longtemps, les agronomes considérèrent le bétail comme un simple agent de la production végétale devant assurer le maintien de la plus haute fertilité du sol. D’onéreux qu’était l’entretien du bétail, il devint rentable, puis productif. En 1791, Lavoisier, dans son enquête sur la richesse territoriale du royaume de France, estimait au cinquième du rapport agricole total la part imputable aux productions animales; en 1920, cette part était estimée au tiers; dans les années soixante-dix, c’est près des deux tiers du revenu agricole qui sont fournis par l’animal.

L’évolution rapide des productions animales, depuis cinquante ans, a fait apparaître une véritable pathologie de la civilisation que seul un technicien possédant de solides connaissances zootechniques et pathologiques peut résoudre. Cette évolution a, jusqu’à ce jour, été souvent sensible en aviculture et, à un moindre degré, en élevage porcin. Elle tend à gagner la production ovine, voire bovine.

Les conditions générales du milieu, la façon dont les animaux sont entretenus, leur cadre écologique jouent un rôle important dans la prophylaxie et la lutte active contre de nombreux désordres: troubles du métabolisme, infestation et infection.

Spécialisation, automatisation, intensification, concentration, aspects habituels de l’évolution dans les secteurs secondaires et tertiaires de l’économie sont en train de se développer rapidement en agriculture. Sur le plan pathologique, qu’il s’agisse des effectifs ou du haut niveau alimentaire auxquels sont soumis les animaux, la pathologie a évolué. Le développement des maladies aspécifiques et l’importance des fautes d’élevage, d’une part, l’entretien des animaux dans des conditions de physiologie exacerbées et toujours à la limite de la pathologie, d’autre part, ont modifié les tableaux cliniques. La pathologie est le résultat d’une somme d’actions intriquées qui la déterminent: dysmétabolisme, surpopulation, agressions permanentes, recherche de la performance maximale perturbent les conditions d’une exploitation soumise à la sanction permanente d’une économie marginale.

L’évolution rapide des techniques de productions animales a parfois suscité un conflit entre le zootechnicien et le pathologiste. Dans le cadre d’une exploitation que l’économie pousse aux limites extrêmes de la physiologie, le vétérinaire peut en maîtriser les données complexes.

Évolution et avenir

Née des nécessités et des soucis de l’économie agricole du XVIIIe siècle (traction animale et exploitation de la «bête à laine»), la médecine vétérinaire s’est orientée vers les dominantes de la production animale moderne. Elle reste partagée, comme la médecine humaine, entre la guérison et la prévention. Mais, en ce qui la concerne, la gestion des troupeaux reste soumise à l’impératif d’une stricte économie. Son activité sera, pour cette raison, limitée dans le cadre d’une thérapeutique peu coûteuse, sauf pour les espèces commensales de l’homme, pour lesquelles celui-ci pratique parfois une véritable zoolâtrie.

L’importance quantitative et qualitative des produits d’origine animale dans l’alimentation de l’homme va croissant: viande, lait, œufs, volaille, gibier, poisson. Il en est de même pour celles des animaux de compagnie et du bétail. Les fonctions assumées par le vétérinaire sont, dans ce cadre, multiples et variées: reproductions; sélection; nutrition; soins préventifs et curatifs; contrôle sanitaire à tous les niveaux de l’abattage à la commercialisation; contrôle des importations, des fabrications; recherches zootechniques; etc.

Dans la recherche scientifique, le vétérinaire, de par sa formation pluridisciplinaire de biologiste, a une vocation privilégiée dans l’utilisation de l’animal de laboratoire et l’expérimentation animale comparée aussi bien dans les secteurs privés que publics et parapublics.

Dans les problèmes de lutte contre la pollution et dans la prévention de l’équilibre écologique, le vétérinaire est l’un des experts les mieux armés. Par ailleurs, le domaine de l’animal de compagnie (chien, chat, oiseau) s’est développé malgré ou peut-être à cause de l’urbanisation, demandant la collaboration des vétérinaires à tous les stades: importation, reproduction, alimentation, soins, préventions des zoonoses, sacrifices, sans parler de l’éducation et de la formation des propriétaires d’animaux.

Dans le cadre des loisirs (parcs zoologiques, équitation, pêche, chasse), au-delà de la notion des soins, c’est à l’étude de l’environnement et des conditions de l’entretien de l’animal qu’il se consacre.

À la fois médecin et zootechnicien, mais aussi, par formation et par vocation, biologiste, hygiéniste, économiste, le vétérinaire apporte ainsi sa contribution aux productions animales et à la protection de l’homme dans les domaines les plus variés:

Santé publique : par sa participation à la recherche scientifique, à la protection de l’homme contre les maladies d’origine animale, à l’inspection des denrées d’origine animale. La santé du consommateur est pour le vétérinaire un impératif absolu. La qualité des produits alimentaires d’origine animale s’insère dans la protection de la santé publique, qu’il s’agisse d’intégrité bactérienne ou chimique aux côtés des qualités organoleptiques du produit et de sa salubrité.

Qualité de la vie : par sa collaboration à la lutte contre la pollution, au maintien de l’équilibre écologique, à la protection de la faune, à l’aménagement des loisirs, où l’animal prend une part de plus en plus large.

Productions animales : comme médecin à titre préventif et curatif, comme technicien de ces productions, conseiller des éleveurs, chercheur dans les nouveaux domaines prospectés: pêche, culture marine, production d’animaux à flore contrôlée dans un environnement déterminé, écologie.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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